mardi 31 juillet 2007

Le chevalier Bayard à la Lanterne ?

La cheminée qui frappait l'imagination d'Anne-Cécile MacLaughlin enfant dans la maison La Lanterne de son grand-père dans les années 1920. Ici photographiée bien plus tard, remontée dans une autre villa par la famille Révélat. Les parties marquées d'une croix sont des parties ajoutées postérieurement. Des détails de cette cheminée plus bas.


En juin dernier, lors de ma recontre avec Anne-Cécile Mac Laughlin, j'avais découvert parmi les photos de celle-ci une seule prise de vue intérieure à la villa La Lanterne de son grand-père. C'était la photographie, sombre, d'une spectaculaire cheminée, sculptée de soldats en armes et gravée de l'inscription "Au Roy 1517". Anne-Cécile s'interrogeait à son sujet.





Quand quelques semaines plus tard j'ai rencontré Marcelle et Pierre Révélat, j'ai compris que cette cheminée avait de même grandement éveillé leur intérêt. J'ai découvert en outre que lorsque Victor Révélat, après 1954, avait fait détruire la vieille villa pour en bâtir une nouvelle, il avait au préalable sauvé la cheminée. C'est ainsi que Marcelle et Pierre avaient pu la faire remonter dans leur Villa Sainte-Thérèse de Saint-Antoine-de-Ginestière. Et lorsqu'ils ont revendue celle-ci à son tour avant d'habiter leur villa neuve actuelle, ils l'ont fournie sans la cheminée, puisqu'ils avaient à nouveau pris soin de la démonter. Ils l'ont quelque temps stockée en pièces détachées, ont fait venir un expert et l'ont finalement vendue. Les photographies présentes dans ce billet sont celles qu'ils en ont prises avant de la vendre.











D'après ce que Marcelle a pu me dire, l'expert n'avait pas conclu à une pièce de valeur particulièrement précieuse. Cependant Marcelle l'a beaucoup étudiée et s'interroge encore. Elle pense à une cheminée qui aurait pu être récupérée d'un monastère, tel qu'on en trouve dans l'arrière-pays niçois...










Quant à moi qui n'en ait donc vu que des photographies, il me semble qu'une cheminée de la Renaissance se présente assez différemment (beaucoup plus haute et imposante, réellement monumentale, avec références à l'antique : pilastres, mais aussi décor de rinceaux, grotesque..., si cette cheminée était Renaissance, la statuaire aurait une toute autre thématique et ne serait pas plastiquement traitée ainsi). A mon sens il s'agit plus probablement d'une cheminée de fantaisie selon la mode médiévale du XIXe siècle, mais je ne suis sûre de rien.






Même Anne-Cécile MacLaughlin ignore tout de son origine : est-ce son grand-père qui l'a acquise et fait installer dans sa maison qu'il faisait par ailleurs agrandir, ou bien était-elle déjà en place dans la villa telle qu'acquise en 1919 ?


Les palmiers de la Lanterne

Il faut imaginer que les fiers palmiers bordant cette section de la Prom' se sont dressés autrefois à la place des Belles Terres !

Lorsque je l'ai rencontrée, le principal reproche qu'Anne-Cécile MacLaughlin, petite-fille du milliardaire américain d'origine écossaise Frank MacLaughlin (propriétaire du domaine La Lanterne de 1919 à 1954) a formulé à l'encontre de la famille Révélat (propriétaire de ces mêmes terres de 1954 à 1972), c'est qu'"ils ont arraché tous les palmiers".

En bavardant avec Pierre Révélat, fils de Vincent l'auteur du prétendu méfait, j'ai évoqué cette accusation. Pierre répond très simplement : tous les palmiers n'ont pas été arrachés, les photos de la nouvelle villa que son père a fait construire montrent bien au moins un palmier qui fut conservé. Quant aux autres, son père aurait pu les vendre, il a préféré les offrir à la mairie de Nice, c'est pourquoi chacun peut encorer les admirer sur la Promenade des Anglais, entre les Bosquets et Fabron.

"Border une des plus belles promenades du monde, il y a pire comme destin pour un palmier !"

Photographies de Pierre Révélat

samedi 21 juillet 2007

Dans les entrailles des belles terres de la Lanterne

Janvier 1960. Sur la gauche gauche, on reconnaît la villa Les Grillons (crème), juste à côté légèrement devant, la villa Les Bruyères (jaune foncé), depuis disparue et remplacée par la résidence Azurbay. Au premier plan à droite : la Villa Azurée. Photographie de la famille Révélat

Janvier 1960 également. Au premier plan : au milieu la villa Les Elfes, et à droite la Villa Panorama, qui avait été achetée assez peu auparavant (1958) par Monsieur Paturel. Photographie de la famille Révélat.


Entre 1958 et 1960, lors de la destruction de la villa Mac Laughlin puis de la construction de la maison Révélat, c’est une surface de plus de 300 mètres2 qui sera creusée. Toutes les fondations de la villa Mac Laughlin seront évacuées. Les obstacles les plus résistants seront des murs de citerne, sur environ 3 mètres de profondeur. Le creusement s’effectuera sur 4 mètres. Dans les souvenirs de Pierre Révélat, ces citernes enterrées, énormes bacs carrés destinés à recueillir les eaux de pluies par gouttières, constituaient les parties les plus manifestement anciennes de la maison. Le bulldozer ne put les casser. Il fallut les faire sauter avec des mines. Quel âge pouvaient avoir ces murs ? Lors de notre première conversation, à mon premier appel téléphonique, Pierre avait lâché « murs du XIIIe siècle ». Il reconnaît à présent avoir lancé cette datation pour me faire comprendre qu’ils étaient plus vieux que le reste, mais il admet que rien ne lui permet d’être plus précis. La villa Mac Laughlin résultant d’agrandissements de la fin de la première guerre mondiale (1919) sur une villa antérieure, mais d’allure relativement « moderne » (Anne-Cécile Mac Laughlin conserve de cette villa d’origine une photo qu’elle m’a montrée), tout le mystère, s’il en subsiste, se reporte sur cette villa d’origine. Mais la probabilité est grande que ces murs par certains fantasmés comme « très anciens » (cf. le mythe du souterrain et du monastère qui courent encore dans le quartier) ne soient par exemple que du XIXe siècle. Et en tout état de cause, si des souterrains avaient existé, ils auraient été mis au jour à l’occasion de ces excavations…


Fabron, le vallon de Gattamua et la baie des Anges depuis le toit de la nouvelle villa La Lanterne en novembre 1959. Photographie de la famille Révélat. Cliquer pour agrandir l'image.


En 2007, le même site photographié d'un peu plus bas (le haut du crochet de l'ancien chemin de la Lanterne, devant le portail du fond des Belles Terres, au-dessus de la résidence Villa Ondine dont on a le toit au tout premier plan.)





Les serres, elles, seront montées à partir de 1961. La culture de l’œillet s’effectue désormais sous des serres un peu plus rationnelles, une partie encore en « vaseaux » traditionnels, mais une autre partie en « banquettes » sous des serres beaucoup plus hautes plus facile à travailler, et prêtes à recevoir de « l’œillet américain » comme on le verra ci-dessous. (Pour information, à l’heure actuelle, la seule culture d’œillet qui subsiste est celle d’œillet américain en banquettes ; en faisant vite, on peut encore en voir une dans le bas du quartier de La Lanterne, avenue Cappati.)

vendredi 20 juillet 2007

En haut de la Lanterne, une grande villa moderne balaie la vieille bicoque.


C’est le fils de Laurent, Victor, qui va nous intéresser de plus près car c’est lui qui va acquérir des terres, dont celles de la Lanterne. L’action se déplace dans un premier temps près de Saint-Antoine-Ginestière. Avant les années 50, les possessions des Révélat ce sont essentiellement des coteaux étendus, entre plaine du Var et Fabron supérieur. La famille va garder ces terres très longtemps, d’ailleurs elle en conserve encore certaines, à des fins purement résidentielles, en 2007.


Augustin et Pierre Révélat, les fils de Victor et les petits-fils de Laurent, posent devant la variété qui vaut à la famille le Grand Prix d'Honneur dit aussi Prix du Président de la République, aux Floralies de Cannes en 1952. On voit bien la taille magnifique des fleurs. C'est encore l'âge glorieux de l'oeillet niçois. Photo de la collection de Pierre Révélat.



Et en 1954 , Victor Révélat va acquérir la villa La Lanterne. La culture de l’oeillet par vaseaux à l’air libre (des séries de planches de fleurs de 50 centimètres de large séparées par des passages ou margons et sur lesquelles il fallait dérouler chaque soir des « paillassons », sorte de cannisses) est dépassée. On croit en l’avenir de la culture sous serre. Or à Fabron supérieur, le terrain n’était pas plat, il était donc peu propice à l’exploitation de serres fonctionnelles. Par contre ce grand plateau d’un hectare d’oliviers et de deux hectares de terres en haut de la Lanterne se prêterait admirablement à des installations horticoles modernes… Mais le domaine est aux mains des Mac Laughlin. L’affaire ne sera pas facile, elle traînera longtemps avant d’être conclue: la famille américo-irlando-française est ruinée, mais il y a 13 héritiers, qui ont certes besoin d’argent, mais qui ne sont pas d’accord entre eux. A un moment il n’y en a plus qu’un seul qui refuse de vendre. Son fils Pierre raconte comment Victor trouva une astuce pour faire céder le plus récalcitrant des héritiers, je vous laisse deviner…. C’est à cette idée décisive qu’il doit d’avoir emporté l’affaire. A l’époque Pierre, que j’ai rencontré, n’a que 11 ans, mais il se souvient bien de la villa achetée. Celle-ci n’est plus la belle maison claire des photos d’Anne-Cécile Mac Laughlin. C’est une demeure de 35 printemps, mais aux dires de Pierre, elle a alors perdu beaucoup de son agrément : « Quand on entrait, on était dans quelque chose de décrépit, il y avait des pièces rajoutées, des changements de niveaux partout, des trucs un peu dans tous les sens, des pièces qui s’ouvrent dans les coins d’un côté et de l’autre. Il y avait eu des réfections, mais à chaque fois on avait rajouté des trucs de bric et de broc, c’était plus ou moins à l’état de ruine et en tout cas pas habitable. Extérieurement elle n’était même plus très blanche. Ce n’était pas du tout une belle maison ancienne, au sens noble du terme. »

C’est pourquoi Victor Révélat la fera détruire pour bâtir quelque chose de neuf et fonctionnel, maison pour sa famille (en plus de Pierre, il a un autre fils, Augustin), mais aussi atelier pour réaliser et conditionner les bottes d’œillets.

On voit sur la photo plus bas (article du 4 juillet 2007) les pelleteuses à l’œuvre, vers 1955-56.

La nouvelle construction sera érigée entre 1958 et 1961.

Photo de la collection de Pierre Révélat

« Ce fut long, parce que le premier entrepreneur (Bertagna, je me souviens de son nom !) a fait faillite en cours de chantier ! » se rappelle encore Pierre Révélat. Elle superpose des plateaux de béton, elle est entourée de balcons de tous côtés, elle est d’un style résolument années 50. Les Révélat se voient obligés de la surmonter d’un lanternon tout à fait comparable à celui de la villa Mac Laughlin, pour des raisons géodésiques.

Photo de la collection de Pierre Révélat


Jeunesse dorée niçoise

Sur un film double 8 mm, Pierre conserve des images d’un crépuscule d’été de 1960 où on le voit se baigner avec ses copains dans un gigantesque réservoir rectangulaire de ciment à la limite des oliviers encore existants. La nouvelle villa est à l’époque presque terminée, les terres sont encore incultes. A la fin de la bobine les garçons filent à vélo vers l’avenue de la Lanterne dans le soleil couchant sur une allée bordée de murets en ciment. Cette allée séparait leur propriété de la petite villa vieillotte qui existe encore juste derrière. Je me demande quel habitant des Belles Terres pourrait rester insensible à ces images : un soir d’été en couleur, une image idyllique. Ce plateau de la Lanterne en lui-même n’a pas changé, les oliviers et le ciel non plus. C’est le même endroit. Et pourtant…


On distingue, au sommet de la villa, surmontant un belvédère carré au fond comparable à celui de la villa Mac Laughlin, le lanternon de fonction géodésique dont Monsieur Révélat dut doter sa villa. Photo de la collection de Pierre Révélat.


La nouvelle villa mesure 20 mètres sur 15. Au-dessus des salles de travail pour les fleurs, il y a deux niveaux d’habitation. A chaque étage, de chaque côté, une chambre, et au milieu la salle à manger. Les parents habitent un niveau. Augustin, de 10 ans l’aîné de Pierre, occupe le second.


Les serres abritant les nouvelles cultures d'oeillets, cette fois en "banquettes", et non plus en "vaseaux". Photo de la collection de Pierre Révélat.


Lorsque un peu plus tard, en 1967, Pierre, qui achève des études d’agronomie (il est ingénieur agronome) épouse Marcelle Joyet, fille d’un ancien notaire de Saint-Cloud près d’Oran, l’évènement est fêté au Thé de la Reine lui aussi disparu, place de la Lanterne, et le couple ira habiter dans un petit hangar destiné aux ouvriers des nouvelles serres (plus tard Pierre et Marcelle investiront la pittoresque villa Sainte-Thérèse à Fabron supérieur, et enfin tout récemment, dans les années 2000, après avoir vendu Sainte-Thérèse, feront construire leur actuelle villa saint-Amour).

mercredi 18 juillet 2007

Le jardinier du prince d'Essling



L’histoire commence à Nice mais pas à la Lanterne. Entre Saint-Augustin et Caucade, dans une propriété baptisée La Victorine, en référence au prénom de son propriétaire : Victor Masséna (1836-1910), cinquième Prince d’Essling. Celui-ci est aussi le commanditaire de la villa Masséna sur la Promenade des Anglais, les deux demeures ayant été dessinées par le même architecte : Aaron Messiah*. A la Belle Epoque, La Victorine n’est qu’un luxueux pavillon de campagne, entouré d’un terrain de 7 hectares aménagés en exploitation agricole. C’est ici, avant 1920 (date à laquelle La Victorine sera acquise par le producteur de cinéma Serge Sandberg*), que Laurent Révélat règne sur les vastes plantations.

Ce jardinier a appris la fécondation manuelle sur des gousses de vanille. Il va se livrer à des pollinisations d’œillets et peu à peu obtenir des tailles et des couleurs inédites pour cette fleur. A cette fin il enlevait les étamines d’une première fleur, prenait le pollen sur une seconde qu’il déposait délicatement sur le pistil de la première ; il obtenait ainsi des graines qu’il ressemait, puis de nouvelles fleurs inédites, résultats génétiques les plus variés. A partir de cette diversité il a opéré des sélections et reproduit les plus belles fleurs par boutures. Pierre Révélat, son petit-fils, m'a très bien expliqué que tout le mérite de son grand-père a été de procéder à des améliorations par des croisements de variétés existantes. Le résultat fut si magnifique que succès commercial et notoriété ont été au rendez-vous. C’est ainsi que Laurent Révélat est un de ceux qui ont lancé la renommée mondiale du très gros œillet niçois aux alentours des années 1900-1910 et l’age d’or horticole niçois à la Belle Epoque. Il a évidemment transmis son savoir à ses trois enfants : Victor, Honoré et Agnès (celle-ci a épousé Louis Bellone, autre grand nom de l’œillet niçois).

* Plus de détails dans le livre Belles Demeures en Riviéra, 1835-1930, Didier Gayraud, éditions Giletta Nice-Matin, 2005




mercredi 4 juillet 2007

1954 : une nouvelle famille à la Lanterne


Un bulldozer en action : les heures de la villa La Lanterne des Mac Laughlin dès lors sont comptées... Photo de la collection de Pierre Révélat.


Quand les Mac Laughlin laissent la place aux Révélat.

Dimanche j'ai eu le grand plaisir de faire la connaissance de Pierre et Marcelle, fils et bru de Monsieur Révélat "père" qui en 1954 a acheté les terres du sommet de la Lanterne à la famille Mac Laughlin. Le couple m'a reçue très chaleureusement dans sa villa Saint-Amour du domaine de Jade avenue de Fabron, en allant vers Saint-Antoine-de-Ginestière.


Marcelle et Pierre Révélat ont eu la gentillesse d'égréner leurs souvenirs pour ce blog.

Loin d'être les affreux destructeurs évoqués par une Anne-Cécile Mac Laughlin encore habitée par ses souvenirs de petite fille, il m'a semblé avoir affaire à d'infatigables bâtisseurs et restaurateurs, dans les deux sens de ce dernier terme : terres, maisons, villas anciennes, villas neuves, serres, immeubles, restaurant, la saga Révélat est fertile. Je suis en train d'essayer d'en reconstituer les principales étapes à partir des paroles de Marcelle et Pierre. Je suis ravie parce qu'il ont eu la générosité en outre de me scanner / confier / donner une foule de photographies que je vais bien sûr utiliser ici.

Avec eux s'est écrite une nouvelle page de l'histoire de la Lanterne : celle des oeillets.

A suivre...